La carbonisation des forêts congolaises inquiète, alerte Tad et Mboa

La carbonisation des forêts congolaises inquiète, alerte Tad et Mboa

(Un reportage de Willy Bwiti)

Au-dessus de la forêt équatoriale, à plus ou moins 30kms de Kisangani, des colonnes de fumée sont visibles du ciel, de part et d’autre de cette forêt communément appelée ici, forêt de l’environnement. Alain, son père, ses deux frères et son oncle y ont élu domicile depuis plus d’un mois. Objectif, produire le charbon des bois pour subvenir aux besoins des familles restées en ville de Kisangani. Ici, des dizaines d’arbres abattus sur plusieurs étendues, sont découpés puis enfuis sous le sol pour la carbonisation. Voici qui dégage autant des fumées sur la forêt.

Le père d’Alain, visiblement prit de peur, est surpris de voir une équipe avec caméras et appareils photos débarquée jusqu’à ce coin perdu du village Masako et déclare : « Vous nous surprenez ici sans nous avoir donné un message de votre arrivée. Mes enfants et moi, nous ne voulons pas aller voler, c’est pourquoi nous sommes venus ici pour produire la braise ; ces enfants ont étudié, mais ils ne peuvent continuer leurs études faute des moyens ; ils ont arrêté l’école pour venir chercher de l’argent ici dans la forêt parce que c’est ce travail qui nous aide à nourrir la famille à Kisangani », raconte ce père des familles, septentenaire. 

 

Chemin faisant, des étendues de la forêt sont détruites soit pour l’agriculture sur brulis, soit pour l’exploitation des planches, ou encore pour les charbons de bois. Devant des fours, un des guides explique : « Ils ont coupé tous les arbres qui étaient ici, ils ont formé des rails et en ont rangés les grumes découpés. Ici, ils les ont déjà enterré afin de les carboniser ; et là-bas, ces dizaines de grumes vont l’être bientôt ».

Le Makala tue à petit feu leurs maîtres

Dans cette forêt, on enregistre de dizaines des fours de production de charbon de bois et de milliers d’arbres coupés, provoquant ainsi une déforestation à grande vitesse. Le père d’Alain en est conscient : « Je suis ici parce que je n’ai pas d’emploi, si on m’appelle quelque part j’irai sans condition et laisser la forêt ; parce que je suis « Tout travaux » tel que vous me voyez ici ».

 

Son fils Alain transpirant, longue bèche à la main, est en pleine étape de déterrement d’un four des braises. Devant ce dur labeur, ce garçon d’une vingtaine d’années craint tout de même pour sa santé et celle des membres de sa famille : « au lieu d’être enfants de la rue ou voleur, nous avons choisi de venir ici dans la forêt ; ce n’est pas notre volonté, c’est par manque du boulot que nous nous retrouvons ici ; mais malgré ça, ce travail détruit notre santé. Si quelqu’un le fait pendant cinq, dix ans, il n’aura pas une bonne santé, à cause de cette chaleur que dégage le four. Ça nous frappe à la poitrine chaque jour. Si on nous amène faire l’examen de la radio, on constatera que notre poitrine est déjà détruite ; déjà les crachats que nous faisons, c’est comme des personnes qui fument de la cigarette, des crachats tout noirs comme des gens qui ont de la tuberculose ».

 

« Que le gouvernement nous finance ou qu’il nous prenne en charge pour que nous soyons payables nous aussi », lance-t-il en guise de message adressé au gouvernement de Kinshasa. 

Des groupes armés commerçants

De la Tshopo au Katanga en passant par Kinshasa, Nord et Sud-Kivu, la carbonisation des forêts congolaises inquiètes. L’exploitation est même protégée par des groupes armés qui écument certaines régions du pays.

Tab et Mboa signe l’alerte : « Dans le début du bassin de la cuvette centrale, à peu près 50 à 60 kms de Goma. Quand vous dépassez le Masisi, vous commencez Nyabiondo,puis Walikale; et là, c’est la forêt qui est en train d’être coupée. Le Makala qui arrive ici, provient de là. Nous allons vers le nord, sans parler des gens qui coupent dans le parc national de Virunga, mais quand vous montez vers Kanyabayonga, Kayina, Luofu, Miriki, Katinga, Kanune, Bulambi, c’est la forêt qui commence par là. Et quand vous y allez, vous allez constater que ce sont des kms et des kms qui ont été déboisés. A l’axe-sud de Goma, si vous allez à Minova, vers Bichange, Bulambika, Buniakiri, Hehombo, c’est la grande forêt que nous sommes en train de perdre. Alors, le makala d’ici, ça provient de Lubero. Tout est déboisé. Ça provient du pars national de Virunga, à Nyiragongo qui est en train d’être déboisé et à Sake tout proche de nous ici. Ça se voit à l’œil nu, il n’y a plus à raconter à qui que ce soit. Et ça fait peur ! ».

Dans le centre de consommation comme Kinshasa qui accueille de tonnes et des tonnes des sacs des braises par mois, des citoyens commencent à s’inquiéter du changement climatique dû à la déforestation et chargent le gouvernement. « Que le gouvernement prenne ce danger en mains, zete ekomi musika, (l’arbre s’éloigne plus en plus de nous); nous vivons difficilement aujourd’hui à cause des chaleurs, les pluies tombent difficilement, et y a en plus régulièrement comme auparavant. Ça, nous le constatons ; mais nous devons vivre, par le débrouillardise; le makala. Lorsqu’on trime ici en ville, la seule solution qui nous vient en tête, c’est de faire un crochet chercher le makala ; c’est une intervention rapide pour nous. Mais la décision d’arrêter la coupe d’arbre et d’en planter d’autres doit venir du gouvernement, nous on va se plier », indique Oscar, dépositaire au marché Indu à Kinshasa d’où il accueille par jour mille sacs qui viennent du Plateau de Bateke, et qu’il répartisse dans une quarantaine de dépôts dudit marché.

 

Lwanga Kasereka Delphin, consultant au Centre des recherches forestières International (CIFOR), à Kisangani, appelle à l’utilisation d’une énergie de substitution aux charbons de bois, qui selon une étude de CIFOR, 82 % des ménages de Kisangani utilise le bois énergie et 62 % utilisent un foyer traditionnel qui consomment trop des charbons de bois. D’où, l’invitation d’utiliser les foyers améliorés pour réduire la pression sur les forêts.

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