RDC-Fonction Publique: Lihau et les fonctionnaires misent à rude épreuve d’une semaine anglaise contraignante. (Un grand reportage d’InterCongo Média)

RDC-Fonction Publique: Lihau et les fonctionnaires misent à rude épreuve d’une semaine anglaise contraignante. (Un grand reportage d’InterCongo Média)

En République Démocratique du Congo, l’Administration publique a basculé dans la semaine anglaise depuis. Initialement annoncée au 1 juillet dernier, ce changement de nombre de jours et d’heures de travail, est entrée en vigueur le 1 août, après que le Vice-premier ministre de la Fonction publique, Jean-Pierre Lihau Ebua, ait obtenu un large consensus avec les différents bancs syndicaux.

 

Fort des engagements des uns et des autres, le service à la Fonction publique congolaise commence désormais à 8 heures et prend fin à 16 heures. C’est qui fait que la durée de service est fixée à 8 heures de travail par jour et 40 heures par semaine. La semaine de travail passe de 6 à 5 jours, soit de lundi à vendredi.

 

À l’entrée en vigueur de la reforme, nous décidons de suivre la journée de travail d’un fonctionnaire typique. Le constat est amer.

 

Il est 7hoo quand nous arrivons au rond-point Victoire et croisons Éric, agent au Secrétariat général de la Fonction Publique. La trentaine révolu, Éric accepte sur notre demande, de nous faire compagnie jusqu’à son lieu de travail :  la Fonction Publique.

 

Un bus 207 peint à la couleur jaune arrive. Destination, ISC-Gombe-Banque, ISC-Gombe-Banque, « Millé-millé, Millé-millé », crient à tue-tête le receveur et le chargeur pour indiquer la destination et le prix du trajet : 1000 francs congolais. 

 

Nous-nous bousculons. Éric et moi prenons place à bord. Heureusement pour nous, le tronçon compris entre le Camp Kokolo-Assanef-Academie des beaux-arts-Isc et boulevard du 30 juin sur l’avenue 24, souvent bouchonné, est relativement fluide à l’heure où nous passons.

 

7h30′, nous arrivons au Bâtiment de la Fonction publique, autrefois appelé « Golgotha » en raison des souffrances dûes aux impaiements qu’enduraient les fonctionnaires de l’État. Le bâtiment abrite outre le Cabinet du Vice-premier ministre, ministre de la Fonction publique, plusieurs administrations dont le Secrétariat général au commerce, le Secrétariat général aux finances, au budget, celui des retraités, des actifs, mais aussi l’Inspection général du travail, l’École nationale d’administration (ENA), la Caisse nationale de la sécurité sociale des agents publics de l’État (Cnssap) et bien d’autres.

 

Premier constat en ce temps de la semaine anglaise, pas d’engouement, pas d’agents visiblement pressés pour être à l’heure. On pouvait juste compter cinq à dix personnes dans la cours faisant leur entrée.

 

Éric lui est à temps, mais son bureau d’affectation est encore fermé. Quinze minutes avant 8h00, soit à 7h45′, le bureau s’ouvre. La liste de présence est prêtée, Éric signe sa présence après son Chef de bureau. Il est donc dans le bon.

Pendant ce temps dans la cours du bâtiment, quelques cadres et agents traînent encore les pieds, commentant ces mesures gouvernementales sur leur vie quotidienne. Eux qui sont habitués à arriver au service au gré des vagues dans une semaine anglaise qui existait déjà officieusement, ironisent-ils.

 

« Nous sommes tous quatre ici Chefs des Divisions. Nos bureaux sont encore fermés. Voyez-vous ces deux dames là-bas, elles sont Directeurs. Elles se trouvent dans la même situation que nous. Ceux qui gardent les clés ne sont pas encore arrivés. Seraient-ils dans les embouteillages, on ne sait pas, mais on attend », nous expliquent ces cadres.

 

Quand il fait 8h00, quelques listes de présences que nous consultons avec l’aide d’Éric, renseignent une présence d’à peine 15 à 20 personnes dans tel ou tel service. Il est 9h30′ quand soudain surgit l’ombre d’un des porteurs de la clé d’un département. Bien malheureusement, l’heure Lihau est largement dépassée.

 

Là où les bureaux étaient ouverts à temps, les retardataires entrent, mais ne trouveront aucune listes de présence, car déjà retirées à 9h30′ dans certains bureaux et directement transférées auprès du DRH sectoriel, en application de la loi.

 

Du coup, ce sont ces Directeurs, Chefs des divisions, des bureaux et agents arrivés pour les uns à temps, mais faute de clé sont restés dehors ; et les autres réellement arrivés en retard, qui tous devraient logiquement tomber sous le régime des sanctions, selon la note circulation 002 du VPM de la Fonction publique datant du 31 juillet qui stipule : « L’agent qui arrive entre 8h30′ et 9h30′, est considéré comme retardataire et s’expose à des sanctions disciplinaires autres que la révocation. Celui qui arrive après 9h30′ est réputé absent. Quatre absences non justifiées au cours d’un mois peuvent conduire à la révocation de l’agent », fin de citation.

 

Alors là, nous constatons qu’ils se comptent par dizaines ces retardataires arrivés après 9h30′, réputés absents mais qui ont travaillé normalement. Si la sanction devrait s’appliquer rigoureusement sur eux, il resterait à ces dizaines de retardataires du jour, 3 absences non justifiées à enregistrer au cours de ce mois d’août pour être révoqué de la Fonction Publique. Un coup dur, qui serait difficile à supporter si une telle décision venait d’être prise un jour !

 

En outre, ladite note circulaire largement partagée sur les réseaux sociaux, rappelle aussi que « 8 retards à totaliser au cours du même mois sont sanctionnés par un blâme, 8 retards enregistrés au cours de la même période entraînent une sanction supérieure au blâme et l’agent qui totalise 30 jours d’absences prolongées non justifiés démission d’office. Tout retard ou absence non justifiés entraîne une conséquence pécuniaire correspondant au temps non prestés ».

À la Place « Golgotha », les commentaires font rage

« En tout cas pour moi, ça s’appelle tout simplement, torture morale, pas autre chose », lance un cadre divisionnaire. Et son collègue d’ajouter : « nous sommes arrivés à temps parce qu’on a pris le transport en commun. Savez-vous là où se trouve le personnel qui montent dans les bus de la Fonction publique ? Ils sont encore en route », nous informe-t-il. Et un autre de renchérir en s’interrogeant : « ce personnel déjà en retard dans le bus, va signer sur quelles listes pendant que celles-ci seront retirées et transférées au DRH ? Il ne faut pas qu’il ait deux poids deux mesures. Nous veillerons sur tout ça. Il est 9h00 passée, je pense que ça sera encore pire à la rentrée de classes en septembre ».

Seuls deux bus pour le transport de milliers d'agents du ministère mère

Dans nos conversations, les agents nous informent que le personnel du ministère de la Fonction publique à Kinshasa, ne dispose que de deux bus. L’un dessert la partie l’Est de la ville et l’autre l’Ouest. À l’heure de la semaine anglaise, ils sont tous deux arrivés en retard. « Il y a des jours où nous arrivons ici à 10h00 voire 11h00 à cause des embouteillages. Nous allons le vivre plus à la rentrée des classes en septembre », regrettent les chauffeurs de ces bus qui par ailleurs, demandent à l’État employeur, des pneus de réserve neufs et des entretiens réguliers pour l’amortissement de leurs véhicules.

Plus vous traînez, plus le transport s'éloigne du Centre-ville et plus le prix augmente

Vers 15h00, nous revoici au bâtiment de la Fonction publique pour constater le respect de l’heure de départ. Éric, l’agent typique de circonstance qui nous accompagnait le matin est déjà parti. Comme lui, la plus part d’entre eux quittaient déjà leurs bureaux entre 14h et 15h.

 

« Plus vous traînez ici, plus le transport en commun s’éloigne du Centre-ville, plus le prix augmente et plus vous arriverez à Kingasani-Bibwa…vers 20h00 voire 21h00 avec toutes les conséquences sur votre sécurité dans nos quartiers-là », nous font savoir ces agents, en position de départ vers l’avenue 24-ISC-Academie des beaux-arts ou Assanef où ils trouvent facilement un transport en commun.

 

Derrière eux, seuls les habitués des bus de transport du personnel qui traînent encore. Les chauffeurs qui craignent d’être indexés en cas de départ avant l’heure, les contraignent de respecter l’heure de la fin du travail. Positionnés devant leurs bus trente minutes avant, chrono en mains, c’est seulement à 16h00 justes, l’heure règlementaire que les portes des bus leur sont ouvertes pour embarquement.

Cette réalité vécue ce jour du mois d’août au ministère de la Fonction publique (ministère mère), est pareille à celle constatée dans les différentes administrations Place Royale.

 

« Je vous jure qu’avec la semaine anglaise que nous entamons, la question de gestion des nouvelles heures de service de 8h00 à 16h00, va engendrer des conflits », estime un agent qui se fait compléter par un autre : « C’est tout le monde, Secrétaires généraux, Directeurs, Chefs des divisions, Chefs des bureaux et agents vivant la même réalité de vie que nous, qui est pris au piège de bonnes intentions de Lihau. De bonnes intentions qui risqueraient de tourner en sa défaveur, car elles ne riment pas avec les embouteillages, l’insuffisance de moyens de transport public, les 15.000 francs congolais de transport sur l’enveloppe salariale…Bref, les bonnes intentions qui ne riment pas avec la réalité socio-économique du pays », murmure le personnel à bord du bus à leur départ au bercail.

 

En tout cas les mois qui viennent, seront beaucoup plus révélateurs des forces et faiblesses de la semaine anglaise au sein de la Fonction publique au Congo.

 

Icm, WBB.

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